Dans une publication récente du Harvard Business Review intitulée Leader as Coach, Ibarra et Scoular (2019) font état de quatre styles de coaching en fonction de niveaux différents de directivité. Elles illustrent dans un tableau, que le leader peut adopter un style où il fournit d’une part, plus ou moins de contenu et d’autre part, où il stimule (ou dégrade) plus ou moins l’énergie de l’accompagné.
Pour ces auteurs, le coaching le mieux adapté de nos jours, en est un qui contribue à une « réelle organisation apprenante ». Pour elles, il s’agit d’une nouvelle conception du coaching en organisation et d’une réelle évolution. Elles indiquent une évolution, bien qu’elles citent des principes non particulièrement récents en coaching puisqu'avancés, il y a plus de 25 ans, par un influenceur important du coaching, Sir John Whitmore. Ce dernier définit le coaching par sa capacité d’ouvrir (de débarrer) le potentiel et ainsi maximiser la performance.
Par ailleurs il est question dans cet article, qu’une grande difficulté en organisation d’en arriver à ce type de coaching, est la suivante. Ce type de coaching « ouvrant le potentiel » n’est pas naturellement valorisé par les leaders. Ils ont de la difficulté à valoriser, sous la pression et l’effervescence de leur environnement de travail, l’apprentissage plutôt que l’efficacité immédiate perçue de dicter quoi faire. Aussi, le défi pour développer une organisation apprenante, est de développer cette capacité à valoriser réellement l’apprentissage. En d’autres mots, il s’agit, je dirais, de résoudre cette question difficile: Comment développer, chez les leaders, bien que ce soit à priori contre nature, leur capacité à stimuler l’énergie et l’apprentissage voir même l’innovation situationnelle dans un environnement en mouvance.
Un des ponts à traverser avec ces leaders, c’est la barrière du sens, « pourquoi agir ainsi». J’irais jusqu’à dire qu’il s’agit d’une transformation identitaire où des tentatives et expérimentations sont nécessaires pour que ces leaders deviennent convaincus de la valeur de changer leur approche et leur conversation. Mais comment faire pour en venir à « croire » et trouver utile qu’en certaines situations, l’écoute a plus de valeur que de dire quoi faire…
Ce qu’Ibarra et Scoular(2019) suggèrent notamment, et par expérience du coaching, j’abonde moi aussi dans ce sens, c’est que pour arriver à coacher sans être dans le diriger, il faut d’abord que le leader apprenne les réflexes du coaching non directif en s’entraînant à ce type de coaching (en pratiquant). Ensuite, progressivement, le leader en arrive à développer une capacité conversationnelle à s’engager, dans son rôle au quotidien de leader, dans des conversations où il stimule et co-résout avec ses collaborateurs, des problèmes concrets et nouveaux en organisation. Ces conversations, Grant (2017) les nomme « des conversations de qualité » . C’est d’ailleurs pour Grant, ces conversations de qualité qui caractérisent le coaching managérial de 3ième génération.
Parmi les autres moyens avancés par Ibarra et Scoular, ces dernières suggèrent que les hauts dirigeants deviennent eux-mêmes porteurs d’une telle culture coaching; qu’ils deviennent un modèle de l’état d’esprit du développement, qu’ils soient porteurs de l’état d’esprit de croissance ou« Growth Mindset » décrit Carol Dweck valorisant l’ apprentissage et la prise de risque.
Un terrain riche d’application du coaching qui ouvre le potentiel, est la transformation des entretiens traditionnels d’évaluation de performance (Ibarra et Scoular, 2019). Il s’agit d'en venir, chez les leaders, à tenir de réelles conversations de développement où la conversation se situe au niveau des moyens et du soutien que le leader et l’organisation peuvent apporter pour développer concrètement, le potentiel et la performance du collaborateur.
Pour finir je dirais que le « potentiel » des personnes peut être décrit comme une énergie qui peut, ou non, être déployée. La capacité à faire déployer cette énergie chez les individus et équipes passe par le sens et la confirmation identitaire, l’identité étant un thème que je développe dans mes recherches doctorales sur le coaching et sur lequel s’appuie le modèle de coaching que j’ai développé et enseigne (modèle des 4C). Une réelle culture coaching de développement est, en l’occurrence, une culture de soutien réel stimulant l’innovation, la créativité et la résolution des nouveaux problèmes. Elle est une clef majeure et favorable à la performance durable et au développement des identités individuelles et collectives porteuses de sens où se manifestent fierté et bien-être en organisation.
France Asselin, MBA, PCC, présidente Mobius Coaching et Management
Références et sources
Dweck, C. S. (2008). Mindset: The New Psychology of Success: Random House Digital, Inc.
Grant, A. M. (2017). The third ‘generation’ of workplace coaching: creating a culture of quality conversations. Coaching: An International Journal of Theory, Research and Practice, 10(1), 37-53. doi: 10.1080/17521882.2016.1266005
Whitmore, J. (2017). Coaching for Performance Fifth Edition: The Principles and Practice of Coaching and Leadership UPDATED 25TH ANNIVERSARY EDITION: Nicholas Brealey.
Ibarra, H., & Scoular, A. (2019). The Leader as Coach. Harvard Business Review, 97(6), 110-119.
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